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Comment financer les nouvelles formes de soins, les nouvelles attentes des patients ou les nouveaux enjeux liés aux maladies ?
Le monde entier est confronté à cette question essentielle. Dans de nombreux pays, une voie de solution a été de partir des soignants et de leur proposer d’échanger le financement d’actes à faible valeur ajoutée, en termes de résultat d’amélioration de santé pour le patient (= « valeur santé »), vers des actes à plus haute « valeur santé » ajoutée.
Ces soignants proposaient alors une liste de prestations à « définancer » pour créer le financement ou refinancer d’autres plus efficaces : c’est le principe de l’« appropriate care ». Ce principe a été lancé en Belgique à la sortie de la pandémie de COVID-19. Toutes les parties prenantes s’étaient lancées dans cet exercice supposé apporter un regain net de « valeur santé » à la population. Au lancement, le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, s’était engagé fermement à ce que les moyens dégagés par les arrêts de financement restent dans le secteur des soins.
Aujourd’hui, à l’heure du Budget 2024, l’ensemble des parties prenantes a pu constater que le ministre a mangé sa parole : il a pris les moyens dégagés sans réinvestir dans les soins ce qu’il avait promis. Et le conseil général a laissé faire.
La résultante est qu’au lieu d’un gain de « valeur santé », nous enregistrons une perte : ces actes – désormais non rémunérés – qui apportaient un bénéfice, même relativement faible, aux patients ne seront pas remplacés par autre chose. D’aucuns parleraient d’hold-up au détriment des soins de santé.
Cette situation engendre deux conséquences néfastes à long terme :
La première est qu’elle démontre au secteur que la volonté politique est de prioriser les économies, quitte à réduire le niveau des soins de santé dans le pays.
La seconde est que cette situation prouve que le ministre ne respecte pas ses engagements, même écrits ! Cette rupture de confiance est problématique dans le contexte actuel d’élaboration d’une réforme du financement des soins de santé et de changements requis par les enjeux de la pénurie de personnel et d’obligations environnementales.
Je comprends donc tout à fait que ceux qui avaient fait le plus grand effort dans l’« appropriate care », à savoir les médecins, sont ceux qui désormais sont les plus en colère. Ils ont raison.
Le secteur des soins de santé est condamné à poursuivre ses travaux avec le ministre Vandenbroucke. Mais cet adultère flagrant rendra la poursuite des relations plus compliquée. Tout sera plus tendu, ralenti, défensif alors que les enjeux sociétaux de demain sont à nos portes et nous pressent d’agir.
Clairement, ce hold-up du budget de l’« appropriate care » aura des conséquences majeures lors de la prochaine législature. L’équipe du cabinet du ministre de la Santé est composée de professionnels de très grande compétence. J’ai donc du mal à comprendre qu’ils aient pu valider une telle erreur stratégique. Les mauvaises langues diront que le politique ne se préoccupe pas de ce qui se passe au-delà d’un mandat… Je finirais par me poser la question.